Apprendre à
définir son cadre et ses limites

Souvenez-vous du nombre de fois où vous avez trouvé qu’untel a été trop loin avec vous, s’est permis de… et que vous l’avez laissé faire parce que vous avez eu peur de le contrarier, qu’il se mette en colère, d’être rejeté, voire de ne plus être aimé. Prenez quelques instants pour y réfléchir.

On ne vous respectera pas plus si vous dites oui à tout. Au contraire, vous passerez pour la bonne poire de service, celui à qui on peut tout demander, même l’inacceptable, corvéable, voire manipulable à merci. Voulez-vous être quelqu’un à l’attitude soumise qui n’ose pas s’opposer, qui est flatté quand on lui demande moult services à sens unique, qui se croit indispensable et se prend pour le sauveur du monde ? Est-ce vraiment ce type de personne que vous voulez être ? Je suppose que non.

Ainsi, définir son cadre, c’est déterminer ses propres limites : physiques, mentales, émotionnelles et psychiques.

Arrêtez de vous comparer aux autres et regardez-vous tel que vous êtes avec vos possibilités.
Certaines personnes sont plus endurantes que vous physiquement ? Et alors ? Tant mieux pour elles ! Sachez leur dire stop quand vous vous sentez fatigué. Vous avez d’autres atouts.

Définir son cadre, c’est savoir ce qu’on aime et ce qu’on n’aime pas, ce qu’on veut et ce qu’on ne veut pas, ainsi que les comportements que l’on accepte ou que l’on ne supporte plus de la part des autres.

En fait, ce n’est pas si compliqué de définir son cadre et la conséquence sera rapidement visible dans votre vie.

Définir son cadre c’est oser :

  • Apprendre à savoir qui l’on est et ce que l’on veut.
  • Connaître ses besoins et ses limites.
  • Dire non.
  • S’aimer soi-même.
  • S’affirmer.
  • Se confronter.
  • S’opposer.
  • Se respecter soi-même.
Vous avez grandi dans une famille dysfonctionnelle ?

Ceci peut expliquer les origines de vos difficultés à fixer vos limites. Vous avez été exposé à une intrusion quotidienne dans votre intimité et avez encodé dans votre inconscient à propos de votre parent toxique qu’ « il est strictement interdit d’en dire du mal et tout aussi interdit d’en penser¹ ».

Dans les familles toxiques, l’intrusion est présente au quotidien.

Les territoires de l’enfant sont transgressés : sa chambre, son bureau, son corps, son esprit, son psychisme, ses idées, ses émotions, ses amitiés, etc².

Le parent intrusif lui dit quoi aimer, quoi penser, quoi dire, quoi faire, quoi décider et quoi ressentir. L’enfant n’est pas soutenu dans sa prise d’autonomie et sa différenciation. Il enfouit ses ressentis et devient un enfant caméléon qui interprète qu’il est dangereux de penser et de se comporter différemment de ses parents. L’enfant n’est pas en mesure de remettre en question l’éducation de ses parents, il va donc adopter leurs comportements et enfouir sa vraie personnalité (faux-self). Plus tard, il aura tendance à dire oui à tout et n’importe quoi, notamment à toute personne qui fera figure d’autorité ou se comportera comme le parent toxique. L’enfant met en place des mécanismes de défense psychiques comme le déni qu’il conservera à l’âge adulte².

« La notion de jardin secret est inexistante dans les familles perverses² ».
Marie ANDERSEN

Pour pouvoir laisser libre cours à ses désirs d’intrusion, le parent pervers n’apprend surtout pas à son enfant à se défendre. Pire, il lui donne l’ordre (l’injonction) de ne pas se défendre¹.

Une fois adulte, comment peut-il s’affirmer correctement, mettre ses limites et se défendre ?
Comment peut-il prendre des décisions avec discernement si on a toujours décidé pour lui ?

L’intrusion vécue quotidiennement pendant l’enfance n’apprend pas à se connaître et définir ses limites. C’est aussi à cause de la loyauté invisible envers ses parents maltraitants et des liens traumatiques qu’elle reproduit régulièrement à l’âge adulte qu’une personne a du mal à mettre ses limites.

« Rester dans son monde idéalisé et refuser d’ôter ses petites lunettes roses n’est finalement pas un choix, mais un devoir, pire une obéissance inconsciente à une injonction cachée. Les gens qui ont eu un parent manipulateur ont reçu l’interdiction de questionner la relation, de prendre du recul, de juger les façons de faire pourtant choquantes de ce parent. De ce fait, prendre conscience de l’anormalité de la situation est plus qu’inconfortable. C’est criminel. Votre devoir de loyauté est de refuser de savoir, de comprendre, de se rappeler, de dénoncer et d’oser s’affirmer. Voilà pourquoi votre colère est complètement bridée¹».
Christelle PETITCOLLIN

Exemple de Joël

Joël me raconta qu’enfant, il avait été chargé de garder les vaches par son père. Mais il avait désobéi et était parti jouer avec des copains. A son retour, il trouva son père en train de rassembler des vaches qui s’étaient échappées. Il me dit que son père le frappa violemment. Puis il rougit et rajouta : « C’est normal, je l’avais mérité ». Je pense que la désobéissance de Joël ne justifie pas le comportement de son père qui n’aurait en aucun cas dû le frapper. Pourtant, Joël est incapable de prendre du recul et convenir que l’attitude de son père est choquante.

« Les colères sont interdites, brimées, désapprouvées, étouffées et culpabilisées, parce qu’elles sont le témoignage d’une révolte qui tâche de dénoncer les processus pervers insupportables² ».
Marie ANDERSEN

Comment faire concrètement pour définir son cadre ?

Pour qu’une situation négative ne se reproduise plus, il s’agit de réfléchir à ce que venez de vivre et étudier le comportement des personnes impliquées y compris le vôtre.
Quelles émotions avez-vous ressenti (peur, terreur, honte, etc.) ?
Quelle blessure l’évènement a-t-il ravivé en vous ?
Vous rappelle-t-il un souvenir, une émotion, un mal-être de votre enfance ?

Quand nous répétons les mêmes schémas et qu’une de nos blessures s’active, tout va très vite. Nous réagissons comme d’habitude, même si on en et conscient et que nous voulons arrêter de réagir ainsi. Mais les émotions pénibles que cela nous fait vivre empêchent le changement souhaité.

Concrètement

Je vous propose d’essayer de faire un travail de préparation en amont pour réussir à faire basculer une situation. C’est à force d’imaginer la scène, en la répétant chez vous de nombreuses fois, vous visualiser, vos mots, vos gestes, vos regards, que vous allez vous conditionner. En le voulant, en le vivant, vous allez tellement y croire, croire en vous que le déclic va se produire : vous allez arriver à avoir spontanément les bons mots et les bonnes attitudes.

Surtout, je vous invite à définir clairement ce que vous acceptez et ce que vous ne voulez plus vivre. Et ensuite à rester ferme et aligné sur vos valeurs.

Préparez-vous à affronter et vous confronter.
Quand on définit son cadre, on fait face parfois à de l’opposition.
Ça ne sera pas toujours facile, mais ça en vaut la peine.

Mots clé

Affronter
Définir ce que l’on accepte et ce que l’on n’accepte pas
Définir ses besoins
Dénoncer une situation ou une attitude inacceptable
Dire Non
Discernement
Limites
Prendre du recul
S’affirmer
Se confronter
S’exprimer

Sources
¹Petitcollin, C. (2018). Pourquoi trop penser rend manipulable. Clamecy : Guy Trédaniel.
²Andersen, M. (2019). L’emprise familiale. Espagne : Marabout.