Apprendre à
dire non
Non, ces trois lettres sont souvent si difficiles à prononcer, voire impossibles à dire, même lorsque nous les pensons au fond nous.
Ne pas oser les dire peut nous entraîner dans des situations dont nous nous serions passés.
C’est souvent pour éviter le conflit ou par peur d’être rejeté que l’on n’ose pas dire non. Même si l’on se gêne, que l’on ne respecte pas son bien-être moral ou physique, on dira « oui » quand même. Pour être acceptées, certaines personnes n’ont plus de désir propre.
Certaines personnes ont tant appris à n’avoir ni désir, ni besoin qu’elles ne savent même pas ce qui leur plaît davantage. Sous couvert de privilégier la qualité du lien – « Ce qui te fait plaisir me fait plaisir » -, elles dissimulent leur absence de désir propre. Faire plaisir est l’objectif premier, au prix de son individualisation. Dans l’incapacité de dire non, ces hommes et ces femmes sont « trop gentils ». Terrorisés par le conflit, ils ne s’opposent pas. Et quelle meilleure façon de ne pas se confronter que de ne pas avoir d’idée propre1.
Isabelle FILLIOZAT
Selon l’éducation reçue, l’enfant est encouragé ou non à exprimer ses goûts et ses opinions. Lorsqu’il est élevé de façon autoritaire, sans attention suffisante, s’il subit des violences psychologiques, ou dans un contexte familial insécure, il aura tendance à enfouir ses désirs propres et se comporter comme il imagine qu’il doit l’être pour plaire à sa famille. Il cherche ainsi à ne pas faire de vagues et être le plus parfait possible pour éviter les fameux conflits qui le mettent si mal à l’aise.
Si l’enfant reçoit de nombreuses injonctions sur quoi faire, quoi dire et quoi penser, il aura grand peine à exprimer des goûts au contact des autres devenu adulte. Il reproduira le comportement passif et soumis qu’il avait enfant.
Comment apprendre à dire non ?
Conscientiser
Apprendre à dire non, c’est d’abord commencer par conscientiser qu’un comportement que quelqu’un nous fait subir ou une situation sont inacceptables pour nous. Par exemple : on peut estimer que notre supérieur hiérarchique exagère, car il nous fait rester régulièrement tard ou écourte notre pause déjeuner pour nous confier des taches urgentes. Autre exemple : lorsqu’une personne abuse de notre gentillesse et sollicite urgemment de nombreux services à sens unique comme si on était à sa disposition.
Se confronter
Ensuite, même si cela n’est pas dans nos habitudes, il va falloir se confronter en disant ou écrivant à la personne ce qui ne nous plait pas. Il faut verbaliser ce que nous pensons pour lui mettre un stop et la recadrer. Sinon, pourquoi arrêterait-elle ?
C’est difficile, car cela réactive la peur du rejet vécue dans le clan familial et bien ancrée dans les schémas inconscients.
L’ex-enfant maltraité préfèrera inconsciemment un lien souffrant et de l’attention plutôt que pas de lien. Il est nécessaire de prendre conscience de cela pour apprendre à s’opposer et se confronter.
Il faut réaliser que nous ne devons pas tout supporter pour « faire plaisir » et « être gentil ». Nous avons le droit de dire « non ».
Lorsque nos parents n’ont pas respecté nos refus, nous ne nous sentons pas légitimes à dire « non ». C’est ce travail que nous devons apprendre : dire « non » sans culpabiliser et sans penser que c’est la fin du monde.
« Quand elle nous fait défaut, cette confiance se reconstruit en osant braver l’interdit parental d’opposition, en retrouvant nos émois d’enfant dans un travail psychothérapeutique et dans notre quotidien, en apprenant à dire non et en faisant des choix ».
I. FILLIOZAT
Connaître ses désirs et faire des choix
Apprendre à dire « non » nous fait beaucoup évoluer.
Cela permet de réfléchir sur soi, sur
- Qui je suis ?
- Qu’est-ce que j’aime ?
- Qu’est-ce que je veux ?
- Qui je veux voir ?
- Quels sont mes buts dans la vie ?
Si on a été élevé dans une famille à problèmes, dans laquelle régnait insécurité et intrusion, il est très difficile de répondre à cette question « Qui suis-je ? », car notre vraie personnalité a été enfouie. C’est cet important travail qu’il faut faire à présent pour apprendre à dire « non ». Dire non permet de se différencier et de s’individuer.
« A de rares exceptions près, moins on se sent en sécurité et plus on a tendance à se demander qui l’on est ».
Suzanna Mc MAHON
Apprendre à se connaître, à s’aimer, à se traiter avec douceur, à fixer ses limites, à se protéger et se défendre permet d’apprendre à dire « non ».
Sources
¹Filliozat, I. (2018). Fais-toi confiance… ou comment être à l’aise en toutes circonstances. (p106-107). Allemagne : Poche Marabout.